La 4e édition du fameux guide des Champignons de France et d’Europe de Régis Courtecuisse et Bernard Duhem (Guides Delachaux) est parue à la fin de cet été 2024. Rebaptisée Champignons d’Europe, elle nous livre les dernières informations sur le front de la taxonomie et de la systématique à la lumière d’études moléculaires de plus en plus performantes. Autrement dit, beaucoup de champignons ont changé de nom et ont été reclassés dans de nouvelles familles et sections. Le lecteur risque d’en perdre son latin. « On ne pouvait plus rester sur la précédente mouture, compte tenu des changements importants opérés. La 3e édition étant épuisée depuis 2022, ce fut l’occasion de repartir sur de nouvelles bases », explique son auteur Régis Courtecuisse.
Chamboulement des connaissances
Cette édition 2024 propose la description de plus de 3500 espèces au fil de textes remaniés et des planches réorganisées, s’enrichissant au passage d’environ 230 illustrations supplémentaires, signées Philippe Vincenot. L’introduction du guide a également fait l’objet d’une actualisation, notamment à propos des intoxications. Elle fait la part belle aux évolutions récentes de la classification, en insistant sur la nécessité pour chaque mycophile de se mettre à distance d’une approche strictement morphologique comme par le passé, source d’erreurs dans l’articulation des connaissances.
De fait, les clés d’identification ont été reliftées et commentées en fonction des derniers apports. Quelques exemples de nouveautés ? Dans la famille, nombreuse, des Inocybes, un découpage en quatre genres s’est imposé, notamment suite aux travaux des mycologues Matheny et Esteve-Raventos. Les révisions moléculaires font aussi apparaître de nouvelles espèces « cachées » derrière d’autres taxons, comme c’est le cas pour Inocybe lilacina, remplacé par plusieurs espèces distinctes. Même chose concernant l’Agaric des jachères (Agaricus arvensis), qui regroupe finalement plusieurs espèces dont certaines indiscernables sans le séquençage ADN. Au rayon des Cortinaires, Régis Courtecuisse a également fait le choix de retenir de nouveaux genres, tels que Calonarius et Thaxterogaster, et de hisser au rang de genres certaines sections, comme Phlegmacium et Myxacium. « J’ai tout à fait conscience que cela ne plaira pas à tous les scientifiques. De la même manière que les découvertes permanentes en mycologie rendront vite obsolètes certaines informations. » La mycologie, science en mouvement.
Raréfaction des espèces
Alors que l’auteur est très impliqué dans la création d’une liste rouge des champignons menacés, les données sur le statut de conservation de chaque espèce, présentes dans les précédentes éditions, ont disparu. Une décision d’ordre pratique d’abord, pour privilégier des descriptions les plus précises possibles. « Bien plus facilement qu’avant, on peut sur Internet trouver les informations relatives à la raréfaction des espèces, sur gbif.org et eccf.eu, sites régulièrement actualisés. » À noter dans ce guide également, trois très belles peintures de morilles de Xavier Carteret, extraites du livre Morilles de France et d’Europe (Philippe Clowez et Pierre-Arthur Moreau, paru en 2020).
Champignons d’Europe (Régis Courtecuisse, Bernard Duhem, Philippe Vincenot). Guide Delachaux, Delachaux & Niestlé, 2024. 608 pages. Prix conseillé : 35,90€