Morilles : testez vos connaissances !

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Morilles coniques (Morchella deliciosa). Avril 2024 @GEASTER

La saison des morilles, champignons rois du printemps, démarre enfin. Mais êtes-vous sûrs de bien les connaître ? 10 questions pour vérifier ou compléter votre savoir avant d’aller garnir votre panier.

Vrai ou faux : il y a trois espèces de morilles en France, les blondes, les grises et les noires.
C’est faux ! Rien que parmi les morilles du groupe « distans », c’est-à-dire les coniques ou les noires, on dénombre plus d’une dizaine d’espèces, pas toujours simples à identifier d’ailleurs. Il existerait près d’une vingtaine de morilles dans notre pays, d’après les dernières études menées sur le terrain.

Vrai ou faux : les morilles poussent uniquement sous les frênes et les pommiers.
C’est faux. Si le frêne et le pommier sont reconnus comme des arbres partenaires, il en existe plein d’autres : l’orme, le noisetier, le sapin, l’épicéa et le pin à deux aiguilles en montagne, parfois le bouleau, l’érable champêtre, le robinier, le peuplier… La morille élevée (Morchella elata) n’a pas besoin d’arbre pour pousser.
Le comportement trophique des morilles reste toutefois à éclaircir par une analyse moléculaire poussée. Les spécialistes Philippe Clowez et Pierre-Arthur Moreau avancent l’hypothèse du « saprosymbiotisme » chez les morilles, c’est-à-dire qu’elles pourraient aussi bien s’associer à l’arbre par les racines que profiter d’un sol enrichi par les végétaux présents sans lien direct avec eux.

Morilles blondes (Morchella esculenta). Avril 2024 @GEASTER

Vrai ou faux : les morilles sont meilleures séchées.
C’est vrai ! On a démontré scientifiquement que les morilles renforcent leurs arômes après dessication, parfois de manière considérable, comme chez la morille blonde (Morchella esculenta), alors que celle-ci est réputée plus fade que les « noires » lorsqu’elle est consommée fraîche. Faire sécher les morilles est aussi le plus sûr moyen de diminuer les risques digestifs associés à leur consommation. Mais attention ! Un noircissement de la chair au bout du séchage indique que la morille n’était plus assez fraîche ou a été trop imprégnée d’eau pour être dégustée.

Vrai ou faux : selon le dicton, « Morille vue ne pousse plus ».
C’est vrai et faux. Tout dépend de l’interprétation de la phrase ! Les cueilleurs de morilles sont parfois si empressés qu’ils les ramassent même lorsqu’elles sont minuscules. Une fois repérées, elles sont hâtivement prélevées. Mais en aucun cas, le seul regard humain ne stoppe la pousse des morilles, pas plus qu’elles ne seraient produites par un gaz souterrain. Certaines fariboles ont la vie dure !

Vrai ou faux : ramasser des morilles trop petites anéantit votre spot.
C’est faux. Les morilles se multiplient aussi bien par reproduction sexuée (dissémination des spores à l’âge adulte) que par « bourgeonnement » du mycélium. Seuls le piétinement répété du sol et la destruction de l’habitat peuvent faire disparaître vos morilles. Cela dit, il est inutile de cueillir les exemplaires trop peu développés, ils n’ont aucun goût et il ne restera rien dans l’assiette. En revanche, laisser pourrir quelques exemplaires sur place permet de créer d’autres stations ailleurs, à la faveur du vent qui dispersera les spores.

Morille empourprée (Morchella purpurascens). Mars 2024 @GEASTER

Vrai ou faux : la morille est dangereuse crue.
C’est vrai ! Et elle est même deux fois toxique ! Crue ou insuffisamment cuite, elle présente d’une part un syndrome gastro-intestinal particulièrement aigu (maux de ventre associés à des vomissements et des vertiges), d’autre part le syndrome cérébelleux, caractérisé par des tremblements, une sensation d’ébriété, des troubles oculaires, etc. Ce syndrome apparaît aussi en cas de consommation abondante et répétée ou avec des spécimens trop vieux, même bien cuits. Un premier cas d’empoisonnement mortel dû aux morilles a été signalé en 2019 en Espagne. Pour écarter tout risque, il convient de chauffer les morilles à plus de 60 degrés pendant vingt minutes, en prenant la précaution de bien cuire toutes les parties. Et de ne pas en faire bombance, au risque d’être sensibilisé à vie !

Vrai ou faux : les petites morilles ne grandissent pas.
C’est faux et un peu vrai. Théoriquement, tous les champignons grandissent, pour peu que les conditions de croissance soient réunies. Et ce n’est pas toujours le cas, notamment en début de saison. Lorsque les morilles fructifient très tôt, un coup de froid, un vent prolongé ou une sécheresse précoce peut les anéantir. Des débuts de poussées peuvent aussi avorter lorsque les champignons ne trouvent pas assez d’éléments nutritifs (trop près du lit mineur des rivières par exemple, où les sols sont lessivés par les crues printanières). À l’inverse, on peut observer des développements très rapides (quelques jours) en fin de saison et après une succession d’orages.

Vrai ou faux : les morilles poussent uniquement au printemps.
C’est faux ! Si la très grande majorité des morilles pousse, sous nos latitudes, sur la période qui s’étend de mars à mai, plusieurs récoltes de morilles coniques (Morchella deliciosa) ont été rapportées en automne ou au début de l’hiver. Ce fut le cas notamment en 2015 dans l’est de la France et en Belgique. Par ailleurs, deux espèces de morilles originaires de pays chauds, Morchella galilaea et Morchella rufobrunnea, sont notées depuis quelques années dans le sud de la France. Elles ont fait l’objet de jolies cueillettes en novembre et décembre 2024. Quant au record de poussée tardive, il a été enregistré dans les Alpes suisses dans les années 1950, avec une récolte réalisée un 2 septembre. Nous avons de notre côté récolté une magnifique morille élevée un 11 juillet 2010, à 1400 mètres d’altitude dans le massif de Belledonne (Isère).

Morilles de rivière (Morchella fluvialis). Avril 2024 @GEASTER

Vrai ou faux : les morilles sont en régression en France.
C’est vrai. Dans les secteurs de plaine, les morilles voient leurs habitats se dégrader du fait des aménagements et de l’artificialisation des sols. L’arrachage des haies leur est également préjudiciable, sans compter l’usage localement intensif des intrants chimiques et la mort des frênes due à la chalarose. Dans le département de l’Oise par exemple, ancienne terre à morilles grises (Morchella vulgaris), certains secteurs sont désormais vides de morilles. La situation est moins dramatique en montagne, où les morilles se réfugient sur les versants abrités.

Vrai ou faux : Le Morillon est une morille à part entière.
C’est vrai ! Dans la littérature ancienne, il était nommé Mitrophora semilibera. Des études génétiques récentes ont permis de le classer dans le genre Morchella. C’est une morille du groupe des « coniques » (morilles « noires »). Mais il ne faut pas le confondre avec la Verpe de Bohème (Ptychoverpa bohemica), souvent appelée, à tort, « Morillon » dans certaines régions. Le chapeau de la Verpe de Bohème n’est pas formé d’alvéoles (il est simplement sillonné et plissé) et fixé à peine à l’extrémité du pied. Sa saveur ne saurait être comparée à celle des vraies morilles.

Morillon (Morchella semilibera). Avril 2024 @GEASTER