Passion des champignons et secrets familiaux : Amanita ænigma, le roman captivant de Laurence Bourgeois

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Laurence Bourgeois, autrice, coach, mycologue et maintenant romancière.

Autrice de livres sur le développement personnel et consultante RH, Laurence Bourgeois n’en est pas moins diplômée de mycologie. Elle allie sa passion des champignons à son métier d’écriture pour publier son premier roman : Amanita ænigma, qui s’appuie sur une tragédie alpestre récente. Ou comment des champignons mortels font pousser une intrigue familiale, subtilement féministe, comme une quête vers la tolérance.

Comment est née l’idée de ce livre ?
J’avais depuis longtemps envie d’écrire un roman. Dès 2014, j’avais écrit un premier texte, La Panoplie de la sardine, sur un sujet assez similaire, mais il lui manquait une dimension mystérieuse. Amanita ænigma part d’un fait réel que Pierre-Arthur Moreau, maître de conférences à la Faculté de Pharmacie de Lille, m’avait rapporté dès 2019 lors de mon DU de mycologie : quatorze décès dus à la maladie de Charcot dans un même village de Savoie, Montchavin, et un coupable alors présumé, la Gyromitre fausse-morille (Gyromitra esculenta). Très intriguée, j’ai pris contact avec Emmeline Lagrange, neurologue au CHU de Grenoble, en charge de l’enquête médicale, pour en savoir davantage. J’ai croisé ce fait avec le personnage de Céleste, appelée par son amie d’enfance Murielle pour élucider ce mystère dans leur village natal. L’occasion pour elle de replonger dans ses racines, comprendre la vie que mène son amie, et dénouer enfin des secrets de famille.

Les champignons n’ont pas de racines, mais c’est pourtant le sujet central d’Amanita ænigma. Est-ce les vôtres que vous dévoilez à demi-mot ?
Il y a toujours une petite histoire personnelle dans ce qu’on raconte. Je me retrouve en partie dans le personnage de Céleste, une citadine pressée, décalée, dont on se moquait quand elle était ado, qui redécouvre son passé et celui de ses ancêtres en Savoie. Comme elle, je continue de découvrir, de comprendre des choses. Notamment d’où me vient cette passion pour les champignons. Plus je creuse, plus je comprends. J’ai découvert ce monde merveilleux lors de mes longues balades en forêt avec mon père. Dans ma famille côté maternel, en revanche, ils étaient « mycophobes ». J’ai ainsi appris qu’on avait fait manger à ma mère des champignons appelés Souchettes (Kuehneromyces mutabilis) contre son gré et elle en avait gardé un profond dégoût. Ce qui n’est pas transmis peut être transmis à l’excès…

Amanita ænigma, premier roman de Laurence Bourgeois après une dizaine de livres sur le développement personnel.


Sous ces champignons vendus à la sauvette pour soi-disant repousser la mort émerge un lourd secret de vie, sur fond de rivalité entre la science et le religieux…
Les champignons, les mystères qui les auréolent et qu’on perce peu à peu, sont un prétexte à l’histoire familiale. Quand on ose tirer les fils, comme en mycologie quand on pousse l’analyse au microscope, on peut remonter loin dans la découverte et la compréhension. C’est ce qui offre une chance de grandir enfin. La question centrale du livre est : peut-on grandir sans connaître son passé ? C’est à la condition d’affronter et d’accepter la vérité qu’on peut aussi pardonner, pour mener une vie plus lumineuse.

Ce premier roman est très bien accueilli. Vous avez envie de poursuivre l’aventure littéraire ?
Amanita ænigma a été sélectionné pour le grand prix littéraire de l’Académie de pharmacie, cela me va droit au cœur. Bien sûr, j’ai envie d’écrire encore. C’est du travail, beaucoup d’énergie (ce roman m’a demandé un an et demi d’écriture), mais la passion la génère. Les champignons me portent tellement que l’exercice en devient du plaisir. Les champignons m’inspirent, la forêt, l’environnement montagnard aussi.

Amanita ænigma (Laurence Bourgeois), éditions Héloïse d’Ormesson – 192 pages

La Gyromitre fausse-morille (Gyromitra esculenta), autrefois considérée comme comestible, désormais mortelle.©GEASTER