Mycologues, naturalistes et cueilleurs de champignons ont rendez-vous sur Fongifrance, première base de données nationale consacrée au règne fongique. Cet outil convivial, ouvert à tous, rassemble notamment les données du terrain qui vont permettre d’éditer la première liste rouge française des espèces de champignons menacées. Objectif final : inspirer les pouvoirs publics dans leur réglementation de protection. Chaque observation compte !
Comme les animaux, comme les plantes, les champignons sont les témoins de l’évolution des milieux naturels. L’observation de chaque espèce, la plus commune comme la plus rare, fournit des indications sur la qualité des écosystèmes qui l’abritent. Plus on en sait sur leur répartition géographique et leur fréquence, mieux on peut comprendre ce qui se passe. Et ainsi mieux agir, pour protéger. C’est pourquoi la prise en compte d’un maximum d’observations est nécessaire. La base de données Fongifrance est née de cette ambition : rassembler le plus grand nombre d’observations de champignons pour constituer un inventaire mycologique national susceptible de contribuer à une meilleure connaissance des espèces et à la protection de leurs milieux.
Données sécurisées
Chaque cueilleur consciencieux note régulièrement dans ses cahiers ses récoltes de girolles, de cèpes ou de rosés des prés. Il a pu rencontrer aussi, à l’occasion de ses balades, d’autres espèces emblématiques telles que des amanites tue-mouches, des lactaires poivrés ou des polypores. Même ces observations sont les bienvenues ! Et s’il souhaite rester discret sur ses coins, les informations géographiques qu’il livre resteront plus vagues. Même traitement pour les champignons rares ou recherchés pour de mauvaises raisons : « Les espèces sensibles dont la mise en ligne peut nuire à leur existence sont systématiquement « floutées » sur Fongifrance. Idem, cela va de soi, pour les espèces psychotropes et notamment les Psilocybes », explique Pierre-Arthur Moreau, maître de conférences à l’Université de Lille 2 et président d’Adonif, l’association qui porte le projet Fongifrance.
Un gros travail de collecte
D’autres publics sont concernés par Fongifrance : les botanistes, les ornithologues ont tous observé des champignons au cours de leurs équipées dans la nature. Qu’ils n’hésitent pas à rouvrir leurs carnets ! C’est aussi auprès des associations, où l’action mycologique est coordonnée, que Fongifrance concentre ses requêtes. Certaines ont immédiatement joué le jeu, d’autres vont bientôt le faire… Le site centralise ainsi les observations réalisées par tout un chacun, mais aussi les données issues des bibliographies de bulletins mycologiques, des archives tout format, fichiers papier ou informatique, des données du Muséum national de France et de l’Office national des Forêts, etc. L’ensemble de ces informations, mises en perspective, permet par exemple d’envisager la création de listes rouges locales et nationales, globales ou par groupes d’espèces. Elles sont aussi susceptibles de justifier la création de ZNIEFF, de cartes de répartition interprétables, etc.
En lien avec d’autres projets
Fongifrance se présente sous la forme d’un site voulu convivial et facile à renseigner. Elle s’inscrit dans l’engagement de la France pour faire de l’open data à l’échelle européenne et de prendre en compte les champignons pour décider des politiques de protection, capables d’enrayer les causes de leur régression.
Seule et unique base nationale consacrée aux champignons en France, elle entre dans le cadre du système d’information de l’inventaire du patrimoine naturel (SINP) géré par le Muséum d’histoire naturelle de Paris. Le SINP alimente également le Global biodiversity information facility (GBIF). Autrement dit, chacune de nos données aura une double résonance nationale et internationale.
Préjudiciable méconnaissance
Le débat sur la diffusion des données a longtemps agité les esprits. La culture du secret, qui a longtemps prévalu dans les associations naturalistes, n’a heureusement plus cours : « Sur la base de l’expérience, nous sommes convaincus qu’il vaut mieux diffuser largement une information importante consacrée à une espèce plutôt que de prendre le risque de la voir disparaître par méconnaissance, estime Pierre-Arthur Moreau. Parce qu’on ne peut plus se contenter de dire qu’on ne savait pas après avoir endommagé un espace naturel. » Avec une distinction à opérer : la rareté n’est pas la raréfaction. Une espèce peut en effet être naturellement rare, mais voir ses populations rester stables sur le long terme. C’est le cas d’Amanita friabilis par exemple. D’où la nécessité de suivre l’évolution des données dans le temps.