Carte blanche à… Vincent Lagardère

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Diplômé de l’École européenne supérieure des arts et technologies de l’image, Vincent Lagardère exerce ses talents graphiques et informatiques au Conseil des Musées de Poitou-Charentes, où il développe un portail de médiation grand public pour faire connaître les collections des musées adhérents. Sensible à la beauté du vivant, il a aussi publié Fungi Friend Photos, un photobook sur les champignons et les Myxomycètes. Celui qui se définit comme « photographe mycotimbré » a bien voulu extraire et commenter pour Champignon Magazine quelques-unes de ses images préférées, pas forcément celles qu’il a l’habitude d’accrocher dans ses expos. 

Cuphophyllus virgineus. « Je prends la plupart de mes photos sur le terrain. Comme celle-ci, réalisée dans un carré de pelouse à vingt mètres de chez moi. Un très léger coup de flash a permis de déboucher les zones les plus opaques. L’idée générale de mon travail est qu’on n’a pas besoin partir à l’autre bout du monde pour trouver des choses fabuleuses ou dépaysantes. Tout est là, juste à nos pieds. »

Mycena capillaris. « La région de Poitiers, où j’habite, est de plus en plus sèche et ce changement climatique entraîne aussi une diminution de la fonge. Je veux participer, à travers mes photos, à la prise de conscience de la raréfaction des champignons. Je milite pour une conception de la Nature qui n’oublie pas les champignons. Leur rôle dans les écosystèmes est largement sous-estimé. Même les photographes naturalistes ont tendance à les négliger dans leur travail. »

Crepidotus sp. « Là encore, la grâce à l’état pur. Pour peu qu’on s’agenouille et qu’on retourne le champignon. Celui-ci passe facilement inaperçu. Et pourtant… Ses lames forment une girandole : elles jaillissent et tournoient comme une gerbe de feu d’artifice. »

Clathrus archerii. « Quand je suis sorti des Beaux-Arts, j’ai d’abord fait de la macro avec les insectes, avant de m’orienter peu à peu vers les champignons. Je suis branché cinéma et BD fantastique et je trouve qu’avec les champignons, on est dans un univers proche de la science-fiction. Graphiquement, mais aussi de par leur comportement extraordinaire : ce sont des êtres vivants qui dégradent la matière ! Pour ce Clathre d’Archer, il suffisait de le retourner pour voir une pieuvre géante du fond des abysses. »

Pisolithus arhizus. « Un exemple de beauté cachée. Le pisolithe ne ressemble à rien, à tel point qu’on ne le remarque même pas. On pourrait le confondre avec un caillou. Quand j’ai ouvert en deux un pisolithe pour la première fois, j’ai été frappé par sa beauté. Ces petites masses grumeleuses délicatement colorées proches de l’abstraction : comment pouvait-on imaginer leur existence ? »

Mitrula paludosa. « Ce champignon très fugace, pas plus grand qu’un brin de mousse, a une histoire. Il symbolise ma relation avec mon père. Chasseur et ramasseur de cèpes, il ne comprenait pas bien pourquoi je m’intéressais à des espèces qui ne se mangent pas. Nous n’avions pas le même rapport à la Nature. Jusqu’au jour où il m’a conduit vers une petite zone humide pour me montrer ces mitrules. J’ai été très touché par son geste. Et depuis, il fait beaucoup plus attention à toutes ces « petites choses ».

Artomyces pyxidatus. « Le pouvoir de suggestion des champignons est infini. On peut voir différentes choses à travers celui-ci. Beaucoup pourront interpréter cette forme comme du corail ou un chandelier. Pour ma part, je perçois là l’impact de gouttes d’eau au moment où ellent touchent le support. Au cours de mes études, nous avons beaucoup travaillé la narration par l’image. Il m’en est resté quelque chose. »

Arcyria aff. denudata

Arcyria aff. denudata. « Les Myxomycètes ne sont pas des champignons à proprement parler. Mais ils sont étudiés avec la même passion par les mycologues. D’une très grande fragilité, ceux-là m’ont obligé à une extrême patience. On pourrait titrer cette photo « la forêt rousse », du nom donné aux arbres autour de l’ancienne centrale de Tchernobyl. La couleur de cette forêt provient de l’absorption massive de rayonnement radioactif après la catastrophe. »

Site Web : fungi-friend-photos.fr
Facebook : @FungiFriendPhotosVincent
Vincent Lagardère expose actuellement une partie de ses photos au Muséum d’histoire naturelle de La Rochelle – Le Cabinet des Dessins (28, rue Albert-1er). Il animera un atelier pédagogique, ainsi qu’une conférence et une sortie sur le terrain. Des champignons en plâtre issus des collections du Muséum seront aussi présentés, parmi gravures anciennes et ouvrages en lien avec la mycologie.